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Jules Laforgue



Phébus et borée - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Borée et le
Soleil virent un voyageur

Qui s'étoit muni par bonheur
Contre le mauvais temps.
On entroit dans l'automne,
Quand la précaution aux voyageurs est bonne :
Il pleut, le soleil luit, et l'écharpe d'Iris

Rend ceux qui sortent avertis
Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire;
Les
Latins les nommoient douteux, pour cette affaire.
Notre homme s'étoit donc à la pluie attendu :
Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte. «
Celui-ci, dit le
Vent, prétend avoir pourvu
A tous les accidents; mais il n'a pas prévu

Que je saurai souffler de sorte
Qu'il n'est bouton qui tienne; il faudra, si je veux,

Que le manteau s'en aille au diable.
L'ébattemcnt pourroit nous en être agréable :
Vous plaît-il de l'avoir? -
Eh bien, gageons nous deux,

Dit
Phébus, sans tant de paroles,
A qui plus tôt aura dégarni les épaules

Du
Cavalier que nous voyons.
Commencez : je vous laisse obscurcir mes rayons. »
Il n'en fallut pas plus.
Notre souffleur à gage



Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon,

Fait un vacarme de démon,
Siffle, souffle, tempête, et brise, en son passage,
Maint toit qui n'en peut mais, fait périr maint bateau,

Le tout au sujet d'un manteau.
Le
Cavalier eut soin d'empêcher que l'orage

Ne se pût engouffrer dedans;
Cela le préserva.
Le
Vent perdit son temps :
Plus il se tourmentoit, plus l'autre tenoit ferme;
Il eut beau faire agir le collet et les plis.

Sitôt qu'il fut au bout du terme

Qu'à la gageure on avoit mis,

Le
Soleil dissipe la nue.
Récrée, et puis pénétre enfin le
Cavalier,

Sous son balandras fait qu'il sue,

Le contraint de s'en dépouiller :
Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance.

Plus fait douceur que violence.

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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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