Jules Laforgue |
Jupiter eut un fils, qui, se sentant du lieu Dont il droit son origine, Avoit l'âme toute divine. L'enfance n'aime rien : celle du jeune dieu Faisoit sa principale affaire Des doux soins d'aimer et de plaire. En lui l'amour et la raison Devancèrent le temps, dont les ailes légères N'amènent que trop tôt, hélas! chaque saison. Flore aux regards riants, aux charmantes manières. Toucha d'abord le cour du jeune Olympien. Ce que la passion peut inspirer d'adresse, Sentiments délicats et remplis de tendresse, Pleurs, soupirs, tout en fut : bref, il n'oublia rien. Le fils de Jupiter devoit, par sa naissance, Avoir un autre esprit, et d'autres dons des Cieux, Que les enfants des autres Dieux : Il sembloit qu'il n'agît que par réminiscence, Et qu'il eût autrefois fait le méder d'amant. Tant il le fit parfaitement! Jupiter cependant voulut le faire instruire. Il assembla les Dieux, et dit : « J'ai su conduire Seul et sans compagnon jusqu'ici l'univers; Mais il est des emplois divers Qu'aux nouveaux dieux je distribue. Sur cet enfant chéri j'ai donc jeté la vue : C'est mon sang; tout est plein déjà de ses autels. Afin de mériter le rang des Immortels, Il faut qu'il sache tout. » Le maître du tonnerre Eut à peine achevé, que chacun applaudit. Pour savoir tout, l'enfant n'avoit que trop d'esprit. « Je veux, dit le Dieu de la guerre. Lui montrer moi-même cet art Par qui maints héros ont eu part Aux honneurs de l'Olympe, et grossi cet empire. - Je serai son maître de lyre. Dit le blond et docte Apollon. - Et moi, reprit Hercule à la peau de lion, Son maître à surmonter les vices, A dompter les transports, monstres empoisonneurs, Comme hydres renaissants sans cesse dans les cours Ennemi des molles délices, Il apprendra de moi les sentiers peu battus Qui mènent aux honneurs sur les pas des vertus. » Quand ce vint au Dieu de Cythère, 11 dit qu'il lui montreroit tout. L'Amour avoit raison : de quoi ne vient à bout L'esprit joint au désir de plaire? |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jules Laforgue (1860 - 1887) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
|||||||||