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Jules Laforgue |
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J'avois Ésope quitté Pour être tout à Boccace; Mais une divinité Veut revoir sur le Parnasse Des fables de ma façon. Or d'aller lui dire : « Non », Sans quelque valable excuse, Ce n'est pas comme on en use Avec des divinités. Surtout quand ce sont de celles Que la qualité de belles Fait reines des volontés. Car, afin que l'on le sache. C'est Sillery qui s'attache A vouloir que, de nouveau. Sire Loup, sire Corbeau, Chez moi se parlent en rime. Qui dit Sillery dit tout : Peu de gens en leur estime Lui refusent le haut bout; Comment le pourroit-on faire? Pour venir à notre affaire, Mes contes, à son avis, Sont obscurs : les beaux esprits N'entendent pas toute chose. Faisons donc quelques récits Qu'elle déchiffre sans glose : Amenons des bergers; et puis nous rimerons Ce que disent entre eux les Loups et les Moutons. Tircis disoit un jour à la jeune Amarante : « Ah! si vous connoissiez, comme moi, certain mal Qui nous plaît et qui nous enchante! Il n'est bien sous le ciel qui vous parût égal. Souffrez qu'on vous le communique; Croyez-moi, n'ayez point de peur : Voudrois-je vous tromper, vous pour qui je me pique Des plus doux sentiments que puisse avoir un cour? » Amarante aussitôt réplique : « Comment l'appelez-vous, ce mal? quel est son nom? - L'amour. - Ce mot est beau; dites-moi quelques [marqués A quoi je le pourrai connoître : que sent-on? - Des peines près de qui le plaisir des monarques Est ennuyeux et fade : on s'oublie, on se plaît Toute seule en une forêt. Se mire-t-on près un rivage, Ce n'est pas soi qu'on voit; on ne voit qu'une image Qui sans cesse revient, et qui suit en tous lieux : Pour tout le reste on est sans yeux. Il est un berger du village Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir : On soupire à son souvenir; On ne sait pas pourquoi, cependant on soupire; On a peur de le voir, encor qu'on le désire. » Amaiante dit à l'instant : Ohi oh! c'est là ce mal que vous me prêchez tant? Il ne m'est pas nouveau : je pense le connoître. » Tircis à son but croyoit être, Quand la belle ajouta : « Voilà tout justement Ce que je sens pour Clidamant. » L'autre pensa mourir de dépit et de honte. Il est force gens comme lui. Qui prétendent n'agir que pour leur propre compte, Et qui font le marche d'autrui. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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