Maurice Chappaz |
Même lit, mêmes cours presque comme à la caserne avec toi, avec l'univers entier dans ta petite chambre. Cependant d'un sourire d'amitié je voudrais te faire mal au moment où je renverserai le litre de vie perdue. Lequel dira à l'autre : « Passe-moi la gourde » ? Ht le mort répondra : « Elle est vide. » Tu sais la nudité commune était notre ration de paradis. Pourquoi répéter : « Va-t-en ! » à ton amoureux. Le sergent des ombres m'a aussitôt appelé. II Ils se dévêtirent et ils s'aimèrent comme deux soldats en voyage. L'un aimait d'amour et l'autre était tendre et plus grande encore était la joie de cette charité-là. En passant devant une tour l'un d'eux devait mourir et ils se disputèrent. Mais celui qui avait donné l'amour embrassa son compagnon et pour tout lui dit merci. III Mon âme s'est levée une heure avant le jour pour aller quérir l'amour d'une servante. Le vent éparpillait la nuit ; j'ai reçu des plombs dans l'aile. C'étaient des saints qui chassaient. C'étaient des soldats qui chantaient. J'ai perdu ma mie au jeu de l'écarté. Mais toute vie est un adieu avant même que l'aube nous l'ait dit. Les princes qui habitaient chez Virgile allaient obscurs dans les nuits blanches. Princes en vergers qui écoutaient les raines... IV La route va le tambour bai. La route va où vont les filles. Dans les ténèbres tu m'auras aimé. V La fille regarde la pluie comme si c'étaient ses larmes. Une, deux ! Une nuit ! Poète trôleur et chat gris, vivant en songe de vie, j'ai perdu mon régiment. Mon régiment marche sous la pluie. Aux nouvelles que j'écris personne ne répondra. Mes souliers grattent l'averse comme si c'était une harpe. VI Le pauvre conscrit J'ai été appelé à la guerre en printemps. L'harmonica des grives frisole dans les sapins. Mais l'une sera pendue dans les vignes afin de les effrayer, ces gourmandes : vive le vin du Rhin ! J'ai tout oublié de mon amour allemand. Nous n'avons eu que trois bivouacs. Tu as peur ? - Tu es pure ! - Tu pars ? Je m'engagerai dans un autre printemps. En amour je suis un pauvre conscrit. Ne me refusez pas, camarades de la nuit, camarades de la nuit ! VII Maîtresse blonde mon beau lien, mes tresses blondes mon noud gordien, vous trancherai-je avec le glaive pour conquérir plus d'un empire ? Dans mon pays toui est gratis : coups de fusil, verres de moût ! Sur le lit et sur le pré mon coq joli, sur le lit et sur le pré vas-y ma lyre ! Je suis un doux soldat burgonde qui tient le monde ouvert la nuit. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Maurice Chappaz (1916 - 2009) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Maurice Chappaz | |||||||||
BiographieMaurice Chappaz esi né le 21 décembre 1916, dans une vieille famille de notables el d'avocats de Martigny. Son oncle, Maurice Troillei, grand propriétaire de vignobles, sera Conseiller d'Etat du Valais pendant quarante ans et président du Conseil national suisse. C'est lui qui soutiendra Maurice Chappaz lorsque celui-ci, refusant de poursuivre ses études de droit, rompra avec sa famille pour se co Orientation bibliographiqueNé en 1916 à Lausanne, Maurice Chappaz passe son enfance à Martigny et à l'Abbaye du Châble, demeure familiale. Il fait ses études au collège de l'Abbaye de Saint-Maurice où il obtient une maturité latin-grec. Dès 1937, il suit des cours de droit à Lausanne qu'il abandonne en 1940 pour des études de lettres à Genève. La même année, Un homme qui vivait couché sur un banc lui vaut un prix de la revu |
|||||||||