Max Jacob |
Le « Je », le « Toi » quelles sont ces personnes. Il y a « Toi » et le « Toi » c'est le Tout. Changements de rideaux, changement d'Océan. Tout n'est qu'illusion mais rien n'est le néant. Tout meurt et vit encore. On dirait que Dieu joue. Tout naît c'est toujours le Un qui est le Tout. Le Tout est un piano muet sans ta mélodie. Tu es l'Un ! le monde est Ton Encyclopédie. Je suis le moi pourtant et ma race est ma race. Infatigable Dieu, la douleur me terrasse : où es-tu ? Si je mens qu'est-ce que je corromps ? Je détruis en péchant Ton domaine mais... Ton Nom. Vous m'avez choisi comme un saphir moi qui n'étais bon qu'à languir n'ayant plus rien sinon le choix que vous daigniez faire de moi. Maintenant vous venez, ma vie ! Maintenant vous partez, ma mort ! Vous guérissez mon ophtalmie en mêlant l'Esprit à mon sort. Qui se plaint de la lune qui paraît et s'évade ? Mais quand s'en va l'Esprit l'univers rétrograde et quand Vous me quittez, le sang quitte mes veines Vous ne pouvez, mon Dieu, nous porter sans qu'on meure Je préfère comme Jonas en la baleine vivre en Vous plutôt qu'ici en maraudeur. Videz-moi comme on fait l'amphore par les anses. Mangez-moi comme Christ a voulu qu'on le mange et je n'attendrai plus, verrouillé par l'attente de la grâce, à l'orée des étoiles filantes, et je n'attendrai plus que vous sortiez des deux puisque j'y brillerai comme pleurs dans les yeux. Comment parler quand Dieu nous éclabousse ? Ne pas crier quand l'amour nous y pousse ? Est-ce penser lorsque point on ne pense est-ce pensée ceci : Votre Présence ? Est-ce pensée ce qui n'a pas de mot est-ce souffrir ou joie d'être aussi haut ? Est-on chez soi quand on y est un autre est-on chez Vous quand Vous êtes notre hôte est-on sur terre et dans l'air à la fois ? Qui se déborde : est-ce Vous ? Est-ce moi ? C'est vous ou moi cet arbre que j'émonde. Suis-je un îlot qui bientôt va se fondre ? Mais un îlot n'est fait que de frontières. Toi cour empli comment vas-tu te taire ? Et maintenant que je suis muet que dire ? J'ai passé l'eau sans avion, sans navire. Berger, c'est à la fois l'Agneau A la maison là-bas la Dame immaculée filait la laine blanche, elle filait tes jours. Berger, contrebandier de la pensée du Père Berger tu seras pris par des vilains soldats et comme on a saigné tes agneaux de la Pâque tes membres seront saignés par les clous de la Croix. Les arbres amoureux étendaient leur feuillage quand printemps éternel tu passais à leur pied les bêtes s'écrasaient comme des gazons tendres et les grands animaux se hissaient pour te voir. Ta mère à la maison, pendant toute la journée s'inquiétait : « Que lui font ces gens qu'il a bénis ? » Celui qui a inventé le Succès dans la faillite bonheur sans la réussite richesse dans la misère l'humiliation comme un douaire la fuite de ce qui luit. Gloire à Lui ! Non ! Dieu n'est pas un pardon. Il est don. Il est coffre de l'Esprit et buffet à provisions Il est fruit et usufruit. Sa Porte a des clefs secrètes mais chacun peut s'en servir. Pas besoin d'être un athlète un prophète, un massorète un fakir. D'un petit II fait un Grand Il parle au sourd qui L'entend. A l'aveugle II se fait voir donne à l'ignorant Savoir l'enlève à qui croit l'avoir. Tu mets des fenêtres à mon cour « Sors de là afin que j'y entre « je suis amant, je suis voleur « je suis trésor et sycophante. » Encore du monde ! encore des gens ! encore des propos qui me lassent ! En qui fuir les déguisements. Il n'y a plus de vasistas. Le miracle de l'eau rougie * défait par l'horrible miracle du monstre monde qui surgit. Plus Toi ! plus moi ! c'est la débâcle ! Si je ne suis plus rien, je suis vous. car il n'y a pas de néant puisque vous êtes tout. Vous avez pu détruire le moi mais non le vous qui est en moi. Si vous êtes moi je suis tout. A quoi as-tu renoncé ? Je n'avais pas à renoncer puisque je vous attendais. Tu as brûlé mon cour avant que j'eusse un cour. Et tu n'as rien brûlé puisqu'il n'y avait rien à brûler. Les ceps du Seigneur les tire-bouchons, les échalas de ces douleurs la terre comme coteau de dames, de messieurs fixés, brûlés, aboyant des interjections poussant sur leurs déjections Ah ! terre sans voirie. Tu te tords, voisin du purgatoire ! Un grésillement d'étincelles et l'air est d'autre couleur. Un cri derrière : C'est le pape ! La débandade se courbe en nappe. L'onguent meilleur des anges : seau d'eau une antique parfumerie chaude. ô charbon ! je n'entends rien de plus que le vent, le vent et la pluie. Rien de moins ou de plus encor Ô charbon ! le vent et la mort. Quel lot j'ai gagné à la Loterie ! Dieu m'a décoré de sa chevalerie pour l'Éternité et pour aujourd'hui ! Il est siècle et jour ! Il est jour et nuit ! Il est un génie qu'on appelle, Il vient, comme faisaient aux contes les magiciens ! Pourquoi L'appeler puisqu'il est présent. Il est sans parole et moi je L'entends. Il est sans regard, son regard je sens vrillé dans mes yeux, vrillé dans le mien. Il m'enveloppe de son blanc tissu Il ne me laissera plus. Je suis saisi par Cet Insaisissable. Il me ramasse contre Lui mange près de nous à table et le soir II borde mon lit. La Science est un fruit qui altère la science ! une herbe qui démange. Vieux bachelier de Salamanque monte une branche, une autre branche, comme le singe à bouche amère. Prends garde que le pied y manque. Allons, tu n'es plus au courant ! écarte les feuilles couvrant le tronc de l'arbre et les écorces ! L'amour te donnera des forces. Bois le suc à l'arbre de vie Ivrogne, bois à ton envie. « Je suis là-haut ! je suis aux cimes. - Que vois-tu là-haut ? - un abîme ! - Que vois-tu du haut de la gloire ? - Je vois la terre en entonnoir. - Écoute, descends ! viens ici. Connais-tu pas le Saint-Esprit ? Tu n'avais plus de père et mère Prends-en trois : Marie la première Innocent tu seras sagace Seul tu auras des compagnons. Tu seras Savant par la Grâce Vainqueur par la bénédiction. » Le Sang s'évapora, monde esprit du Cosmos le Sang cuit dans la Chair du Dieu et jusqu'à l'os. Les sentiers étaient fous comme en un clair de lune les arbres calomniaient du haut de leur tribune le Dieu qui s'ébréchait suant une agonie. Un sabbat invisible ! et dix mille Erinyes écrasant l'Écrasé pour vendanger le Sang. Les feuilles s'éployaient pour maudire Un Passant et des poisons, brillant dans l'herbe, avant le juge auraient voulu tuer le Verbe. Le démon fait la roue dans les oliviers tors ne sachant que sa mort à lui est Cette Mort. Écoutez le soufflet des Côtes dans la Sueur. Un gendarme disait : « Cours chez l'équarrisseur ! » Il est à vif! ce pandémonium sur l'épaule, la Croix, désigne l'ouest et pointe à Sa Boussole un ciel pétri de charité et de raison. La croix sans foudre et Dieu qui sortait de prison or le sang s'élargit tout autour de la terre et d'un éther nouveau enveloppa nos frères. Mon âme est en bois comme votre croix Apportez les clous elle s'éveillera. Apportez les clous, la lance et l'épine le soldat romain vidant sa gamelle. Apportez l'éponge et la discipline Mon corps couvrira le mal de vos yeux. Apportez Judas et les pleurs de Pierre. Apportez la tombe, apportez le suaire vous vous réjouirez d'aimer votre Dieu. Comment connaîtrais-je mon âme si c'est l'inconnaissable Dieu qui est sa lame ? Regarde-toi ! il est le Dieu, l'inconnaissable. Comprendre est surmonter, il est insurmontable. Regarde-Le, c'est Toi ! et pourtant il te fuit. Et tu ne te vois pas, bien que tu ne sois que Lui Ta parole n'est pas divine c'est son souffle pourtant qui passe en tes narines. Je sais bien que mon oil humain n'est qu'ébauchoir S'il regarde par Lui qu'a-t-Il besoin de voir ? Demanderais-je à Dieu d'être tout à fait Lui Quoi ? ce serait la mort et tout homme la fuit. Demanderais-je à Dieu de devenir moi-même ? Si je n'étais pas Lui, se peut-il que je l'aime ? |
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Max Jacob (1876 - 1944) |
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Portrait de Max Jacob | |||||||||
Orientation bibliographique / Ouvres1903 Le Roi Kaboul l et le marmiton Cauwain. Livre de prix pour les écoles (Picard et Kahn), Paris, Librairie d'éducation nationale, 1904. BiographieIl passe toute sa jeunesse à Quimper (Bretagne), puis s'installe à Paris, où il fréquente notamment le quartier de Montmartre et se fait de nombreux amis dont Picasso, qu'il rencontre en 1901, Braque, Matisse, Apollinaire et Modigliani. Juif de naissance, il se convertit au catholicisme. Logeant au 7 de la rue Ravignan, l'image du Christ lui apparaît le 22 septembre 1909 sur le mur La vie et l'Ouvre de max jacobChronologie |
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